Après une longue bataille qui a vu l’incroyable rédemption de la Côte d’Ivoire, le tableau est enfin dressé pour les quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations. De manière surprenante, les favoris présumés comme le Maroc ont été éliminés de la compétition, y compris le Sénégal qui ne pourra plus défendre son titre. Et ce n’est pas parce qu’ils ont été médiocres en fin de compte. Koudenvoi vous expose les raisons de l’élimination prématurée des mastodontes du football africain.
Remettre son titre en jeu s’apparente à tout sauf à une formalité. Cela devient presque une constante dans la grande messe du foot africain. En témoignent les éliminations de la Côte d’Ivoire en 2017, du Cameroun en 2019, de l’Algérie en 2022 et donc, désormais, du Sénégal en 2024. Cette CAN en Côte d’Ivoire met en lumière la potentialité et la force tactique, voire physique de toutes les nations africaines. A croire que, le football a atteint son paroxysme en Afrique et la hiérarchie est complètement bousculée. Cependant, certaines nations ont tenu le rang pendant que d’autres, en pleine transition, dégringolent.
Sénégal : le relâchement n’est pas de mise
Faire la passe à trois ou réaliser une grosse performance en phase de poule n’est vraisemblablement plus la clé pour une compétition comme la CAN. La belle histoire se termine amèrement en huitième de finale. Et cela est arrivé de nombreuses fois depuis que la CAN est passée à 24 équipes : le Maroc et l’Egypte en 2019 et le Nigéria en 2022. Le point commun est que tout se jouait toujours au petit détail. La seule erreur des Sénégalais lors de cette édition, c’est de n’avoir pas fait le break pour tuer le match. Oui, le Sénégal avait largement la possibilité de réaliser le doublé mais il y a ce petit relâchement face à la Côte d’Ivoire qui a tout fait basculer.
Par son pressing brillamment organisé, le pays hôte a perturbé la contre-attaque rapide qui a fait la force des Sénégalais depuis le début du tournoi. Avec Diakité qui combine souvent avec Sangaré et de son côté Krasso en attaque, prend l’espace sur l’aile droite pour étirer le rideau défensif Sénégalais. Ce type d’action, on va le voir tout au long de la rencontre avec différents acteurs. Dès la perte de balle, les Ivoiriens imposent un pressing leur permettant de récupérer le ballon très haut sur le terrain avec une supériorité numérique au milieu de terrain. Une approche qui a empêché la bande à Aliou Cissé de développer son jeu et de s’appuyer uniquement sur ses forces individuelles. Et par là, un message clair émerge : le Sénégal est vulnérable quand il est bien malmené. Mais son élimination reste un coup de poignard tout comme celles des autres mondialistes.
Maroc : Le mondial est un trompe-l’oeil
La Coupe du Monde et la Coupe d’Afrique des Nations représentent deux réalités distinctes, avec des menaces, des contextes et des enjeux différents. Cela s’est clairement démontré avec l’élimination des cinq participants à la Coupe du Monde, mais c’est celle du Maroc qui suscite le plus de réactions. Demi-finalistes à la Coupe du Monde, l’équipe dirigée par Walid Regragui avait une position privilégiée avec un réservoir offensif bien garni. Cependant, leur élimination était quelque peu prévisible en l’absence de Hakim Ziyech et Soufiane Boufal. Démarrer les huitièmes de finale sans eux contre une équipe d’Afrique du Sud solide était un défi majeur. Le schéma tactique en 4-4-2 des Bafana Bafana a compliqué la progression du Maroc et la recherche d’espaces entre les lignes. Ainsi, aucun joueur n’était positionné dans l’axe du jeu, à l’exception d’Amrabat qui manquait de soutien. Comme lors du match contre la Tanzanie, les Marocains ont souvent eu recours au jeu long, qui s’est avéré inefficace.
Cette situation renvoie aux éliminatoires de la CAN 2023 pendant laquelle l’Afrique du Sud est la seule équipe à avoir réussi à battre le Maroc avant la CAN. Cependant, le problème ne réside pas seulement là. Au Qatar, le Maroc avait adopté une approche de bloc bas pour jouer en contre et surprendre ses adversaires tels que la Croatie, la Belgique, l’Espagne, le Portugal et la France. Cependant, il est toujours plus difficile de se retrouver dans la position de favori où l’on attend à ce qu’on impose le rythme du match, d’en avoir le contrôle. Le Maroc dispose d’un effectif bien équilibré, mais face à des blocs bien regroupés et à une équipe entreprenante ou agressive, il dévoile un visage inquiétant. Cette observation avait déjà été soulignée avant le match dans un de nos articles. De même que la constatation en phase de poules que le Maroc éprouvait des difficultés physiques en fin de rencontre.
Cameroun : Le mental ne suffit plus
Nous sommes en mars 2022, en pleine course pour la qualification à la Coupe du Monde. Après une défaite à domicile au match aller, le Cameroun réalise une remontada face à l’Algérie, illustrant ainsi son surnom de “Lions Indomptables”. Cependant, depuis lors, la situation semble stagner pour les Camerounais. Leur victoire contre le Brésil en Coupe du Monde, la qualification in extremis à la CAN 2023 et leur accession aux huitièmes de finale en sont des exemples. On pourrait penser que leur habitude de se retrouver au bord du gouffre pour ensuite redresser la barre lorsque tout espoir semble perdu est devenue leur mantra. Cette situation s’est répétée maintes fois par le passé, donnant lieu à des scénarios hors du commun.
Cependant, la différence réside dans le fait que sur le terrain, le jeu du Cameroun a toujours été séduisant. Cette nouvelle génération, par contre, peine à convaincre, avec des joueurs cadres qui semblent manquer de détermination. Face à des équipes tactiquement et physiquement solides, il semble être en difficulté. De plus, le potentiel sursaut d’orgueil du passé ne semble plus aussi efficace dans les moments cruciaux, ce qui préoccupe les observateurs. Dépourvu d’un véritable plan de jeu et d’inspiration, le Cameroun, en pleine reconstruction, soulève véritablement des questions.
Egypte : la récréation est terminée
Au cours de leur périple en Côte d’Ivoire, les Pharaons ont traversé une série d’émotions variées, vivant une expérience des plus difficiles. En l’espace de quatre matchs, ils n’ont réussi à remporter aucune victoire, marquant ainsi une défaillance inhabituelle dans le cadre de la compétition. Cette contre-performance est d’autant plus significative lorsque l’on considère le bilan exemplaire de l’Égypte en termes de défense au cours des trois dernières éditions de la CAN. Au cours de cette période, ils n’avaient encaissé que six buts (3 en 2017, 1 en 2019 et 2 en 2022). Cependant, la robustesse de cette défense a été mise à l’épreuve en terre ivoirienne, où elle a concédé plus de buts (7) que sur l’ensemble des trois précédentes CAN.
Parallèlement, l’équipe égyptienne, privée de sa star Mohamed Salah, a dû mobiliser toutes ses ressources offensives pour briller sur le terrain. Les joueurs tels que Ashour, Marmoush, Zizo, Trézéguet, Mostafa Mohamed et même Hamdi ont été mobilisés pour injecter de l’intensité, de la profondeur et de la créativité dans le jeu. C’est une stratégie radicalement différente de celle à laquelle les Pharaons avaient habitué leurs adversaires par le passé. Jadis réputée pour céder la possession à l’adversaire tout en préservant une avance d’un but, l’Égypte s’est cette fois-ci trouvée dans l’incapacité de mettre en œuvre sa tactique habituelle. Les équipes adverses avaient minutieusement étudié leur approche et ont réussi à les prendre au dépourvu. Même lors de la séance traditionnelle de tirs au but, où la RDC a exploité avec succès la situation. L’élimination précoce oblige les Pharaons à patienter jusqu’en 2025 pour espérer décrocher leur huitième sacre, un titre qui leur échappe depuis maintenant 14 ans.
Algérie : l’excuse de l’accident ne tient plus
2024, l’année tant attendue pour la rédemption des Fennecs mais la déception persiste avec une élimination en phase de poules pour la deuxième fois consécutive. Ironie du sort, les Algériens terminent une fois de plus à la dernière place de leur groupe, récoltant seulement deux maigres points, malgré la relative clémence de leur groupe comprenant l’Angola, le Burkina Faso, et la Mauritanie. Cette contre-performance souligne les lacunes des Fennecs qui ont affiché apathie, fébrilité, ainsi que des erreurs et maladresses accumulées. En revanche, leurs adversaires ont abordé chaque rencontre avec une grosse détermination, répondant ainsi aux exigences d’un tel niveau de compétition.
Cet échec rappelle cruellement le précédent, où l’on pouvait attribuer la faute à un accident de parcours ou un excès de confiance. Cependant, après avoir manqué la qualification pour la Coupe du Monde 2022 et cette élimination, l’excuse de l’accident ne trouve plus sa place. Malgré l’intégration de nouveaux joueurs tels que Houssem Aouar et Hichem Boudaoui, l’équipe algérienne n’a pas réussi à corriger ses lacunes. Elle éprouve des difficultés à présenter un jeu collectif cohérent, dépendant souvent d’exploits individuels. De plus, mentalement, elle semble manquer de la résilience nécessaire pour surmonter les défis, soulignant ainsi son incapacité à tirer des enseignements de ses récents échecs.
Ghana : un collectif disparu
Tout comme l’Algérie, le Ghana est sorti par la petite porte, la deuxième fois d’affilée en phase de groupes. Les Black Stars ne redressent pas la barre, et le nom de Chris Hughton vient s’ajouter à la longue liste des coachs passés par le banc du Ghana sans réussir. Du Serbe Milovan Rajevac, qui avait conduit la génération 2010 en quart de finale du mondial, en passant par Otto Addo, rien n’y fit en fin de compte. Au-delà des résultats, c’est surtout l’état d’esprit des Blaks Stars qui semble être méconnaissable. Certes, en 2024, on est bien loin de l’époque où le Ghana impressionnait surtout par la cohérence de son collectif, centré autour de joueurs tels que Michael Essien, Sulley Muntari et Asamoah Gyan. Mais l’équipe a totalement perdu sa marque de fabrique, son identité distincte. Malgré la présence de talents indéniables comme le défenseur Alexander Djiku ou la star Mohammed Kudus, cette génération ne semble pas s’épanouir dans un projet de jeu clairement défini et compris. L’équipe fait face à une instabilité devenue chronique, un contraste avec les perspectives positives entrevues lors de la Coupe du Monde qatari.